Nous vivons en un temps où un étudiant bien né croirait déchoir s'il exerçait ses talents dans d'autres domaines que ceux de la création-communication, tout comme les nobles de l'Ancien régime dédaignaient les activités marchandes, bonnes pour les bourgeois.
Ces jeunes gens -et surtout jeunes filles- sont soignés de leur personne, ils ont l'allure agréable, le sourire utile et la tête assez vide. Une fois qu'ils ont découvert que MM. Google et Taschen ne pouvaient pas tout leur fournir, ils vont tirer les sonnettes. Ils sont très forts pour cela. Ils vous envoient des petits mails pour vous faire l'honneur de vous solliciter, et vous informent qu'ils sont même prêts à se déplacer pour que vous leur donniez ce dont ils ont besoin. Jamais ils ne remercient, jamais ils n'échangent. A ces enfants rois, tout est dû…
Certains dans le lot sont doués, ou ont un embryon d'idée. Il est rare qu'ils puissent faire fructifier ce don, dans la mesure où ils n'envisagent même pas d'assimiler la culture du domaine qui les intéresse. L'histoire et la technique les ennuient. Ils ont voyagé, savent taper sur un clavier et parler anglais, c'est bien assez. Tout ce qui n'est pas issu d'eux-mêmes ou de leur milieu est dénué d'intérêt, sauf éventuellement pour le plagier. En effet, ces petits bourgeois bien éduqués manifestent une absence totale de scrupules et de sens critique. "Je veux réaliser ça, donnez moi de la matière, que je puisse copier-coller, et signer de mon précieux paraphe".
Une fois que le bobo nouveau a produit son petit caca, il nous demande sans vergogne d'applaudir. Certes ça ne lui a pas coûté beaucoup, certes il n'y a rien mis de lui-même, mais ça sort de lui, le fumet en est forcément admirable… Pour autant le narcissisme du bobo jeune n'est pas égoïste : il adore ses pareils, contemple leur nombril sur Facebook*, écoute des chanteurs qui n'ont qu'un prénom et pas de voix raconter leurs tourments existentiels, et se presse dans les vernissages d'art contemporain et les expos de photographie. Tout ce qui compte est que cet art soit creux et vain, qu'il ne l'implique en rien, se consomme et s'évacue sans marquer (telle la bien nommée nuit blanche…). Le petit bobo est grandement encouragé en ce sens par les autorités financières, publicitaires et culturelles, qui investissent pour lui, à l'exemple du parrain gâteau des petits bobos, le maire de Paris.
Au XIXe siècle, des prédécesseurs qui se voulaient "artistes" et arboraient cravates à la mode, pondaient des recueils de poésies ou tablotins sans âme, resucées de Coppée ou Bonnat… Tous les créateurs ne peuvent pas être doués, et les imitateurs par définition suivent l'air du temps, c'est à dire ce qui sera considéré par la génération suivante comme de l'académisme. A cette différence près que ces ancêtres avaient acquis une certaine culture, étaient capables d'efforts et d'humour, pouvaient sauter un repas pour se payer du papier, et ne vivaient pas forcément aux crochets de la collectivité…
JD
* Facebook = "livre des visages" ? C'est le livre préféré du petit bobo, un livre qui a la particularité de ne pas ouvrir à l'inconnu, mais de clore sur soi-même : "Miroir... miroir... dis-moi qui sont mes clones, je les nommerai amis".
1 commentaire:
heureuse, oui, il s'agit bien de cela, heureuse ce soir de lire votre texte. Cela fait un bien fou, fait sourire… et ça c'est tellement rare…
Je suis arrivée chez vous pour piller le net sur un sujet en préparation sur Pluschow et Galdi. J'ai commencé à faire un "copier" de vos images de Galdi… et me suis arrêtée aussi sec à la découverte de la mention "reproduction interdite". Alors tant pis, je ne prendrais pas vos images… mais j'ai été heureuse de vous lire… c'est déjà ça!!
PS : Facebook est un outil très très intéressant… tout dépend de l'usage que l'on en fait!
Enregistrer un commentaire