« Les seules personnes nécessaires dans l’édition sont maintenant le
lecteur et l’écrivain. » C’est du moins ce que pense M. Jeff Bezos,
PDG d’Amazon. La disparition des métiers
du livre, depuis l’éditeur jusqu’au bibliothécaire en passant par le libraire,
et toute la chaine des artistes et artisans de l’imprimé (illustrateur,
maquettiste, correcteur, imprimeur, etc.), n’est pas seulement un corolaire de
l’économie libérale mondialisée, elle est nécessaire à celle-ci. La
transformation de la culture en simple produit de consommation-divertissement présuppose l’élimination des apports individuels et humains, la négation des savoirs et compétences. M.
Bezos oublie d’ailleurs de dire que les auteurs ne sont quasiment plus payés, s’ils
ne sont pas des « stars » : ils sont en voie de devenir de simples
sous-traitants délocalisés de diffuseurs tels qu’Amazon.
Certains ont décidé d’entrer en
résistance, et ont créé le groupe des 451, du nom du célèbre roman de Ray
Bradbury, qui dépeint un monde heureux dans lequel les livres sont brûlés. Les
451 refusent la fatalité totalitaire : « C’est parce que nous prenons la mesure du désastre en cours que nous
sommes optimistes : tout est à
construire. »
Toujours selon M. Bezos, grand penseur
de la finance culturelle, « le livre
papier, c’est la technologie d’hier». Les 451 récusent ce présupposé :
« nous refusons d’emblée le terme de
‘livre numérique’ : un fichier de
données informatiques téléchargées sur une tablette ne sera jamais un livre. »
Nous verrons très bientôt si M. Bezos et ses pareils réussiront à faire
disparaître le livre, comme ils ont déjà réussi à mettre dans nos assiettes des
aliments sans goût, et, accessoirement, nocifs pour l’être humain.
Le cas de l’agriculture est intéressant,
puisqu’elle a déjà subi ce qu’est en train de vivre la culture : elle est
devenue une simple branche de l’industrie agro-alimentaire. Le manifeste des
451 cite un paysan :
« Avant, il y avait la tomate. Puis, ils ont fabriqué
la tomate de merde. Et au lieu d’appeler la tomate de merde “tomate
de merde”, ils l’ont appelée “tomate”,
tandis que la tomate, celle qui avait un goût de tomate et qui était
cultivée en tant que telle, est devenue “tomate bio”. À partir de là,
c’était foutu.»
Une ex-librairie à Paris
2 commentaires:
Je souscris à votre manifeste mais me semble t-il vous vous trompez de responsable :
la disparition du livre, et des libraires, est avant tout lié à la disparition du lecteur. Pour vous en convaincre, observez dans une rame de métro la proportion de yeux rivés sur un écran et ceux sur du papier. Il y a juste de moins en moins d'appétit pour le livre.
Dans ce cas il y a aussi de moins en moins d'appétit pour la tomate, puisque l'immense majorité des gens consomme de la tomate de merde, si vous nous passez cette expression fort appropriée. C'est oublier, simplement, que nous consommons pour l'essentiel ce que nous sommes conditionnés à consommer (quel est le budget communication d'Apple, par exemple ?).
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